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Journal de bord #6 – Merci la Vie !

Après 2850 miles au compteur, 18 jours et 11h30 en mer, Flore et Valentin ont posé le pied à Tobago avec leur petite Anna, deux ans et demi. À bord de Malo d’Eau, ils viennent de franchir l’Atlantique, poursuivant leur tour du monde à la voile à la rencontre de la Famille hospitalière de Saint Jean de Dieu, dans l’esprit des Messagers de l’Hospitalité. Journal de bord de Flore…

L’arrivée a la couleur des grandes premières fois : une île verte et montagneuse, des eaux mêlées de douceur et de sel, des sourires, des sound systems, des poissons grillés… Et, très vite, la vie ordinaire reprend ses droits : la lessive sur la jetée, comme un clin d’œil aux escales africaines. Le voyage continue, simplement, autrement.

Une traversée, trois membres d’équipage

Anna nous a impressionnés presqu’autant qu’elle nous a épuisés. Pétillante de vie. Un poisson dans l’océan, en corps à corps presque parfait avec Malo d’Eau, solidement ficelée dans son petit harnais. Imperturbable face au moindre mouvement du bateau. « Oh la vague ». La jubilation des petits riens dans la monotonie du quotidien. Les enfants se fondent dans le présent et nous narguent par leur spontanéité et leur adaptabilité.

Valentin en bon marin veille au grain et nous en avons essuyé quelques-uns. Il installe à bord, avec une ferme douceur, l’ordre et la routine, et dès les premiers miles, chacun trouve sa place, dans l’inconfort du quotidien. A son habitude, jamais la moindre plainte ou impatience ne sortent de sa bouche. Il s’enquiert volontiers des tâches les plus ingrates, dans la discrétion la plus totale ou avec ce brin d’humour qui lui va si bien.

De mon côté c’est un peu plus houleux. Comme cette mer qui m’a laissé un tantinet farineuse toute la traversée. Je claque mes humeurs et ma bonne humeur comme le spi qui part au lof et à l’abattée et m’enquiers vaillamment du ravitaillement des troupes. Chaque repas est une fête. Non pour leur contenu mais pour la joie de se remplir l’estomac en passant un bon moment tous les trois. Quelques mots échangés, deux trois nouilles renversées et boutades du moment mettent du baume au cœur pour le reste de la journée

Bénédictions et tempêtes

La mer donne et reprend. Un premier dimanche au coucher du soleil, une bonite mord à l’hameçon juste à l’heure du dîner. Un autre jour, une dorade coryphène se transforme en sushis. Et puis, la nuit, une vague plus grosse que les autres couche le bateau sur son flanc ; la cuisine valdingue, l’annexe et le moteur disparaissent. L’océan rappelle sa force, sans détour.

Lorsque l’empannage attendu arrive, l’action redonne de l’élan : Tobago est en vue. La fatigue est réelle, la vigilance constante. Mais l’essentiel demeure : la joie du chemin parcouru ensemble, le temps passé à reconnaître les animaux, cette complicité qui se tisse au fil des quarts.

Accoster pour mieux repartir

Dimanche 21 décembre. Derrière les montagnes verdoyantes de Tobago se devine un répit. Un repos relatif – la vie à terre aussi a ses fragilités – mais bienvenu. Et quel vrai repos sinon celui auquel on peut goûter au dedans de soi. Ce continent intérieur, ce morceau d’éternité où l’on se sent immensément aimé et vivant, bercé par le murmure de l’océan ou le brouhaha incessant de la terre. Un cœur à cœur avec l’infini qui nous attend partout si l’on veut bien déblayer un peu ses peurs et préjugés et écouter notre petite musique intérieure.

Merci la Vie ! ✨