Journal de bord #3 – Eloge de la sobriété
Il y a près de 10 ans je filais sac sur le dos à l’autre bout de la planète à la rencontre d’hommes et de femmes engagés au sein de leurs communautés dans des initiatives positives en faveur de l’environnement. Je me souviens de Valentin mon compagnon à l’époque et mari aujourd’hui, questionner le sens de ce projet à peu près en ces termes : « A quoi bon sillonner la planète pour parler d’écologie quand celle-ci doit faire partie intégrante de notre vie ? »
Nous n’avons eu de cesse depuis de tenter de ralentir et simplifier notre mode de vie et notre rapport au monde. Nous voilà 10 ans plus tard heureux résidents à temps partiel de notre voilier Malo d’Eau. Une coque en plastique me direz-vous, qui bien souvent se gave de quelques litres d’essence pour nous faire avancer. Nous ne sommes évidemment pas sans laisser quelque empreinte dans notre sillage et sommes très vite confrontés à nos propres déchets et au peu de possibilités qui s’offrent à nous pour nous en séparer intelligemment. Loin d’être une fin en soi, cette vie à bord nous invite pourtant joyeusement au dénuement et à la simplicité, à la contemplation et au ralentissement. Une sorte de laboratoire du Do it yourself. Une recyclerie flottante, même si l’on sait qu’un jour Malo d’eau lui aussi finira à la déchetterie.
C’est d’abord notre rapport à l’environnement et la manière dont nous consommons le monde qui sont totalement modifiés et simplifiés. Bien qu’incapables d’aller chasser notre gibier comme nos anciens ou de nous suffire de nos maigres pêches, nous tâchons de redoubler d’ingéniosité et de privations pour tendre vers le zéro déchet, tout en nous accommodant volontiers de quelques réassorts au supermarché. Rationnés en eau et en électricité et privés des technologies modernes qui visent (soi-disant) à nous faire gagner du temps, on apprécie en réalité de s’atteler aux tâches du quotidien au rythme du corps humain. Une activité par demi-journée c’est le quota imposé. Et quelle joie de partager cette demi-journée de lessive autour du puit du village, à papoter avec les habitants et se faire charrier sur nos piètres compétences ménagères !
Nous n’irons pas blâmer nos hôtes qui pour certains, face à la dureté et la monotonie du quotidien, convoitent les technologies modernes et nos multiples sources de divertissement. Mais quel en est le prix à payer si ce n’est la richesse des rapports humains ? La vie en mer vient réajuster l’homme à son environnement et à ses pairs. Propulsés dans le Grand Tout, à la vitesse moyenne hallucinante de 5 mille nautiques heure, on se laisse volontiers remplir d’une joyeuse paix intérieure que l’on retransmet en abondance au monde extérieur.
Si le bateau ne peut se vanter d’être l’unique lieu de conversion des cœurs et de la sobriété heureuse, il en est certainement un accélérateur.