Il y a un an, la province de France de l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu lançait un appel à la solidarité pour venir en aide à la communauté des Frères hospitaliers touchée par la guerre en Ukraine. Grâce aux dons recueillis en France, plus de 12 000 euros ont pu être envoyés aux frères de Drohobych, dans l’ouest du pays.

Ce soutien a permis d’acheter près de 12 tonnes de denrées alimentaires et de médicaments, distribués à près de 1 900 personnes, parmi lesquelles des familles réfugiées et des habitants durement affectés par le conflit.

Dans une lettre adressée aux donateurs que nous reproduisons ci-dessous, Frère Wawrzyniec Iwańczuk, prieur de la communauté, exprime sa profonde gratitude au nom des frères et des collaborateurs du centre d’aide sociale de Drohobych.

« Au nom des Frères de l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu et de nos Collaborateurs qui gèrent la mission de Drohobych, en Ukraine, nous tenons à exprimer notre profonde gratitude envers vous et vos bienfaiteurs pour la collecte de fonds au profit de nos bénéficiaires en Ukraine.

À la suite de votre aide monétaire de 12 000 euros, nous avons réussi à acquérir au total 11 797,5 kg de provisions alimentaires (telles que la farine, le sucre, l’huile, le sarrasin, les pâtes et le riz) ainsi que des médicaments. Entre mars et juillet, 1873 personnes ont été soutenues grâce à des provisions alimentaires gratuites, provenant de la région de Drohobych et de réfugiés fuyant la guerre en Ukraine de l’Est. De plus, 827 personnes souffrantes ont eu accès à des médicaments.

Votre don a été une aide inestimable pour nous. Grâce à votre engagement à aider les malades, les pauvres et les personnes qui souffrent, y compris à cause de la guerre, nous avons pu leur fournir au moins partiellement les moyens de subsistance de base.

« Toutes vos bonnes actions sont inscrites dans le livre de vie », disait saint Jean de Dieu. Que Dieu vous comble de ses grâces pour tout le bien que vous avez fait, dont nous avons également bénéficié. Nous vous recommandons à Notre-Dame de la Guérison des Malades et à la Patronne de notre Ordre.
Je vous bénis de tout mon coeur +. »

« Le Seigneur les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre. » Ce verset de l’Évangile, lu le dimanche 6 juillet dernier, a pris chair l’après-midi même lorsque deux jeunes Frères hospitaliers de Saint Jean de Dieu ont été envoyés depuis Paris au Sénégal. Un duo inattendu : Frère Romuald (Malgache) et Frère Mihaël (Croate), étudiants à Paris depuis un an, qui ont passé leurs vacances d’été sur le terrain missionnaire et qui reviennent pour nous sur cette expérience marquante.

Bien sûr, il y a eu l’émerveillement du voyage et des paysages grandioses d’Afrique. Mais plus encore, une immersion dans la vie quotidienne et les rencontres. « Au-delà de la découverte du thiéboudiène nourrissant (spécialité sénégalaise) et des mangues fraîches délicieuses, l’essentiel de notre mission s’est vécu dans les échanges et les rencontres avec les gens, les frères, les collaborateurs et tous ceux qui font la Famille hospitalière de Saint Jean de Dieu au Sénégal. »

Le Sénégal porte la marque de la Teranga, ce mot wolof qui désigne l’hospitalité. « Elle se vit jusque dans les gestes simples. Par exemple, lorsqu’on envoie un plat à un voisin, il ne revient jamais vide : on y ajoute toujours un fruit, un peu de sucre, un signe d’amitié. »

L’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu y est présent depuis cinquante ans : certains frères sont infirmiers, médecins anesthésistes, engagés aussi bien au bloc opératoire qu’aux urgences. Mais leur priorité demeure la santé mentale et l’accompagnement des personnes dépendantes. À Thiès, Fatick et Nguékhokh, ils ouvrent chaque jour leurs portes, et chaque samedi, des campagnes de sensibilisation à la maladie psychiatrique sont organisées dans les villages éloignés. « Nous avons vu des médecins, frères et laïcs, partir à l’aube, jeûner de leur repas de midi pour consulter jusqu’au soir parfois plus de 150 malades. Leur dévouement nous a profondément émus, mais nous étions aussi attristés par la grande détresse que nous avons rencontrée. »

En effet, faute de connaissance dans le domaine de la psychiatrie, beaucoup de familles consultent d’abord des charlatans qui proposent, souvent très cher, des méthodes inefficaces, voire violentes. « Le besoin de soins véritables est immense en psychiatrie », constatent les deux frères.

« Les Sénégalais nous ont accueillis avec une générosité qui nous servira d’exemple : une hospitalité que nous espérons transmettre à notre tour. Notre seul regret : que ce séjour, si riche, soit passé trop vite ! »

Huit étudiants, engagés comme routiers dans le mouvement des Scouts unitaires de France, est parti du 14 au 24 août en mission auprès des Frères hospitaliers de Saint Jean de Dieu du Sénégal. Ces routiers, à l’instar des Messagers de l’hospitalité, ont vécu une mission de « bâtisseurs de fraternité », en rejoignant la Famille hospitalière de Saint Jean de Dieu. Témoignage. 

Nous sommes le Clan 194 Saint Thomas More du Groupe Bon Pasteur, associé à la paroisse Saint Pierre du Gros Caillou dans le 7e arrondissement de Paris.
Tout d’abord, un clan, c’est la continuité du scoutisme pour des jeunes de 18 à 25 ans. Nous sommes 8 étudiants, engagés comme routiers dans le mouvement Scouts Unitaires de France. La “Route” est un temps de construction personnelle et spirituelle, nourrie par le service, la prière et l’aventure (nos trois piliers). Elle nous aide à grandir et à devenir des hommes au service des autres, selon notre devise : “Servir”.
Chaque été, un clan organise un camp de 1 à 3 semaines, souvent orienté vers un service humanitaire, en France ou à l’étranger. Cette année, après mûre réflexion, nous avons choisi de partir au Sénégal, à Thiès et Fatick, pour vivre une expérience de mission et de rencontre au sein de l’hôpital psychiatrique Saint Jean de Dieu.
Pourquoi ce lieu ? Parce qu’il incarne un engagement profond auprès des plus fragiles, au sein d’un service de santé mentale en Afrique de l’Ouest, et qui porte le nom et les valeurs de votre congrégation : Saint Jean de Dieu. Nous y serons accueillis pour un peu moins de deux semaines, afin d’aider à l’entretien et la rénovation ainsi que d’accompagner les équipes dans leurs tâches quotidiennes ! Toujours dans le respect du cadre médical, bien sûr.
Ce projet, nous l’avons voulu exigeant, à notre mesure et entièrement autofinancé. Pour cela, nous avons travaillé toute l’année : services de jardinage, déménagements, service dans des événements, encadrements de camps d’enfants, rémunérés. Tous ces efforts ont permis de financer nos billets et nos 4 jours d’aventure à la fin de notre camp où nous avons marché et découvert ce merveilleux pays !
Ce camp, c’était aussi une démarche spirituelle : se mettre au service des plus pauvre et vivre la charité. Nous sommes très heureux d’avoir pu partir à la rencontre des Frères de Saint Jean de Dieu de Thiès, et nous espérons avoir été à la hauteur de la confiance qu’ils nous ont accordée.
À notre retour, nous aurons à coeur de partager cette expérience et de poursuivre notre engagement là où nous vivons, transformés par ce que nous avons vu, compris et servi.

« Ensemble, semeurs d’une hospitalité qui transforme » – c’est par ces mots que Frère Pascal Ahodegnon, Supérieur général de l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu, a conclu la Visite canonique générale de la Province Saint Jean-Baptiste. Durant un mois, les Frères Joaquim et Étienne, tous deux conseillers généraux, ont sillonné la France métropolitaine et l’Océan indien, à la rencontre des établissements de la Fondation Saint Jean de Dieu et des communautés.

La clôture, qui s’est tenue les 3 et 4 juillet 2025 au Centre Lecourbe à Paris, a rassemblé plus de 80 participants : frères, sœurs, collaborateurs et bénévoles venus de toute la province, avec de nombreux collaborateurs et frères connectés en visio depuis l’Ile Maurice, La Réunion ou encore Madagascar.

Une hospitalité incarnée, inventive, vivante

Frère Pascal Ahodegnon l’a souligné avec force : « Ce que j’ai entendu, ce sont des témoignages forts d’une hospitalité fraternelle […] enracinée, inventive, vivante. » À travers les rapports remis et les échanges menés sur place, il a salué les nombreuses initiatives portées localement : démarches RSE, implication de jeunes volontaires, ateliers de médiation culturelle, accueil inconditionnel des personnes les plus vulnérables…

« Vos lieux de mission sont des espaces où l’humanité est restaurée, où chacun retrouve sa dignité », a confirmé Frère Étienne, revenu marqué de sa tournée à Madagascar, La Réunion et l’île Maurice. Il y a vu une hospitalité agissante, portée par des frères et des collaborateurs unis dans un esprit de coresponsabilité.

Une mission partagée, une fraternité renouvelée

Par-delà les constats d’une province vivante, la Visite canonique a aussi été l’occasion d’un appel : appel à une gouvernance partagée, à une écoute active, à un renouvellement du lien entre frères et laïcs. Frère Joaquim, qui a visité les établissements en métropole, a salué le dynamisme de la Fondation Saint Jean de Dieu : « Une structure en pleine vitalité, capable d’accueillir d’autres congrégations et de continuer à innover dans l’accompagnement des plus fragiles. »

Il a appelé à faire de l’hospitalité plus qu’un geste : une culture institutionnelle. « Il ne s’agit pas de “faire” de l’hospitalité, mais d’être hospitaliers. »

Une province unie et confiante

En ouverture de la session finale, Frère Paul-Marie Taufana, Supérieur provincial, a remercié l’ensemble des acteurs de cette Visite canonique pour leur engagement et leur accueil : « Religieux, laïcs, partenaires, résidents, bénévoles, donateurs : nous avançons unis. L’hospitalité est notre force, elle est notre avenir. Elle nous rassemble, nous engage et nous définit. » Ce moment fort a été salué comme une étape vers une hospitalité toujours plus ouverte et plus audacieuse. Frère Paul-Marie a également souligné le rôle crucial des équipes locales et des communautés dans l’incarnation quotidienne du charisme légué par saint Jean de Dieu.

Une étape vers le prochain Chapitre

Tous les intervenants ont convergé vers une même conviction : cette visite n’est pas une fin, mais un commencement. En ligne de mire : le 105ᵉ Chapitre provincial, en février 2026. « Ce ne sera pas une simple formalité, a rappelé Frère Pascal, mais un kairos – un temps de vérité, de discernement et de responsabilité partagée. » L’occasion, pour la Province, de repenser sa mission, sa présence, sa manière d’habiter le monde.

Une gratitude partagée

En clôture des discours et avant que les participants ne se retrouvent pour célébrer l’eucharistie ensemble, les remerciements ont été nombreux : à Frère Paul-Marie Taufana, supérieur provincial, pour son accompagnement. Aux équipes dirigeantes, aux bénévoles, aux frères aînés « veilleurs silencieux », et à tous ceux qui portent le charisme de saint Jean de Dieu dans l’ombre du quotidien.

« Vous êtes les mains visibles du charisme, les visages quotidiens de l’hospitalité », a rappelé Frère Étienne. Et Frère Pascal de conclure : « Que nos établissements soient des maisons de compassion. Que nos communautés soient des lieux de discernement. Et que notre mission, vécue ensemble, soit habitée par une joie contagieuse et une espérance active. »

Retrouvez les discours dans leur intégralité à ces liens : 

👉 Discours d’ouverture de la session finale (Frère Paul-Marie Taufana)

👉 Discours de clôture générale (Frère Pascal Ahodegnon)

👉 Rapport final France (Frère Joaquim Erra Mas)

👉 Rapport final Océan indien (Frère Etienne)

Frère Michel Le Houérou est décédé le dimanche 15 juin alors qu’il avait rejoint la communauté de Paris depuis quelques semaines. Ses obsèques ont été célébrées ce mercredi dans la chapelle du Centre Lecourbe, en présence de sa famille, de nombreux amis, religieux, religieuses, bénévoles et collaborateurs.

« Frère Michel a vécu parmi nous une vie d’une simplicité évangélique, d’une fidélité discrète et d’un service humble », a rappelé Frère Paul-Marie Taufana, le supérieur provincial, au cours de la célébration. « Sans éclat mondain, sa vie était pourtant illuminée par la lumière de Dieu : un amour vrai, quotidien et incarné. »

Un parcours de fidélité et de fraternité

Entré chez les Frères de Saint Jean de Dieu en 1974, Michel Le Houérou a été ordonné prêtre en 1993, prolongeant ainsi naturellement sa vocation hospitalière, dans une manière d’être « sans bruit, mais profondément habitée », à l’image d’un homme qui fut « prêtre comme on est frère, et frère comme on est prêtre. »

Tout au long de sa vie religieuse, il a incarné cette présence discrète et aimante dans différents centres Saint Jean de Dieu de la province, de Marseille à Dinan, en passant par Paris et Le Croisic. « Il ne cherchait pas à se mettre en avant, mais à s’effacer pour mieux servir. Chaque geste devenait un Évangile vécu », a rappelé Frère Paul-Marie.

Une invitation à aimer, servir, espérer

La maladie a emporté Frère Michel en l’espace de deux mois. Après un temps de révolte, peu à peu une autre parole a germé en lui, plus douce, plus profonde : « Je vais rencontrer Celui que j’ai servi », confiait-il.

« Frère Michel nous laisse en héritage un chemin d’un amour discret, d’un service joyeux, d’une fraternité incarnée », a conclu le supérieur provincial. « Que ton souvenir demeure en nous comme une invitation à aimer, servir, espérer. »

Du 6 juin au 4 juillet, la province de France a la joie d’accueillir la visite canonique générale de l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu. Tous les six ans, cette visite – prévue par les Constitutions de l’Ordre – est un temps fort de fraternité, d’écoute et de discernement. Deux conseillers généraux, délégués par le supérieur général, vont parcourir les communautés et établissements de la province, en métropole comme dans l’Océan Indien, pour vivre un véritable pèlerinage de la rencontre.

« Ce temps n’est pas d’abord un contrôle administratif ou une obligation canonique, mais une visite fraternelle et spirituelle, un moment de grâce pour toute la Famille hospitalière », souligne Frère Paul-Marie, supérieur provincial.

Un temps de vérité et d’espérance

La visite canonique vise à « connaître de près la réalité de la vie de l’Ordre dans chaque lieu, comme le rappelle Frère Pascal Ahodegnon dans sa lettre de mission. Elle permet de relire ensemble nos engagements, nos élans comme nos fatigues, et d’éclairer l’avenir à la lumière de l’Esprit. Elle s’appuie sur l’écoute bienveillante, la prière, le dialogue, et la participation de tous – frères, collaborateurs et membres de la Famille hospitalière. »

Un moment pour se questionner

Dans un monde en mutation, marqué par la précarité, l’isolement ou encore les défis migratoires, la fidélité au charisme de Saint Jean de Dieu invite à « reconnaître les cris du monde et y répondre avec audace et fraternité ». Cette visite est l’occasion de se laisser rejoindre, en vérité, et de raviver ensemble l’élan de l’hospitalité.

Une dynamique pour se mettre à l’écoute

Concrètement, la visite s’articule en plusieurs étapes dans chaque région de la province qui seront visitées par deux conseillers généraux mandatés par le supérieur général, Frère Joaquim Erra i Mas pour la France, et par Frère Etienne Sene pour l’Océan indien :

  • un temps personnel d’échange avec chaque frère,

  • une rencontre communautaire autour des orientations du Chapitre général,

  • une rencontre avec les directions, collaborateurs et résidents d’un centre par région,
  • et, après les visites, la définition d’orientations concrètes en vue du prochain Chapitre provincial qui aura lieu début 2026.

« Il s’agira notamment de réfléchir, avec lucidité et espérance, à l’avenir de notre présence dans l’Océan Indien, en lien avec la Province de France. » Frère Paul-Marie

Une invitation à la communion

La visite canonique n’est pas un simple événement institutionnel : elle est un appel à la communion entre tous les membres de la Famille hospitalière de Saint Jean de Dieu. « Une chance d’oser la fraternité dans nos différences, pour porter ensemble le souffle de l’hospitalité là où l’Esprit nous précède. »

Frère Christian est Frère hospitalier de Saint Jean de Dieu depuis 50 ans. A l’occasion de ce jubilé, il dit son émerveillement devant la fidélité de Dieu et revient sur ces années de ministère en tant que frère et prêtre. 

Comment avez-vous découvert saint Jean de Dieu et l’Ordre hospitalier ?

Alors que j’étais en seconde au Lycée Notre Dame de Grandchamp à Versailles, frère Pierre Renier, promoteur des vocations de l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu, est venu présenter un film, Le Quatrième Vœu racontant les étapes de la vocation d’un frère de Saint Jean de Dieu mais surtout, il a demandé que des élèves visitent les jeunes handicapés de la rue Lecourbe et fassent le catéchisme le jeudi après-midi. Nous étions quatre à répondre à l’invitation.

Je me posais la question de l’orientation de ma vie à ce moment- là, et pourquoi pas celle d’une vocation à la vie consacrée, tout en étant persuadé que je n’étais pas fait pour ça. Chaque jeudi après-midi, avec mes amis nous prenions le train à Versailles Rive Gauche et une demie heure plus tard nous arrivions à la rue Lecourbe. Les frères étaient accueillants, les jeunes handicapés nous attendaient, nous avions le même âge et nous sommes vite devenus amis. Par ailleurs, j’allais souvent à La Villetertre où les frères géraient un CAT. Là encore, j’avais le même âge que les résidents et nous étions amis.

Après deux ans de philosophie au Grand Séminaire de Versailles je poussais la porte du noviciat de Lyon. C’est un hôpital psychiatrique, les débuts ont été difficiles. Je ne connaissais pas ce milieu, petit à petit j’ai aimé prendre soin des patients.

J’ai vécu mon noviciat comme de belles années de ma vie. C’est à cette époque que frère Corentin (Jean-Caradec Cousson) publiait une vie de Saint Jean de Dieu « de l’angoisse à la sainteté ». Son enthousiasme, sa passion, sa dévotion au Fondateur m’ont touché.

Puis, ce fut le temps des études de théologie, à Rome. L’étude de la science sacrée m’a passionné et, grâce à Dieu, cette passion ne m’a jamais abandonné. J’ai fait profession solennelle le lundi de Pâques 1979, une semaine après j’étais ordonné diacre puis, en juin de la même année, j’ai été ordonné prêtre. A cette époque le Supérieur Général, Frère Pierluigi Marchesi, initiait une formation sur le renouveau de la vie religieuse et ce qu’il appelait « la nouvelle hospitalité. » J’étais partie prenante de ces formations.

Depuis votre profession religieuse, vous avez vécu des expériences pastorales très diverses. Comment la spiritualité de saint Jean de Dieu vous a-t-elle porté dans ces ministères ?

Ce qui m’a attiré dans l’Ordre des frères de Saint Jean de Dieu, c’est la belle harmonie entre la vie religieuse et le service des malades et nécessiteux. C’est peut-être l’essence de notre Ordre hospitalier : vivre un lien étroit entre l’apostolat et le rythme de la vie religieuse. Pour ma part, je cherche à garder cet idéal, à travers la prière commune, l’étude, la prédication, la vie fraternelle, le contact avec les malades et nécessiteux, c’est-à-dire l’annonce de l’évangile de la miséricorde sous diverses formes.

En quoi le message de saint Jean de Dieu est encore d’actualité ?

Il y a plusieurs intuitions intemporelles chez saint Saint Jean de Dieu : pour lui, il s’agit de vivre l’évangile à fond « Dieu avant tout et par-dessus tout ce qui est au monde », « je suis endetté et captif pour Jésus-Christ seul ! » disait-il. Ce qui est important, c’est la recherche d’une vie à la suite du Christ, en vivant les œuvres de miséricorde. Cela ne se démode pas.

Par ailleurs, la forme de vie religieuse qui est celle de l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu correspond à ce que cherchent aujourd’hui les jeunes : une vie communautaire, une vie de prière si possible simple et belle, une diversité dans l’apostolat hospitalier. Ce qui est frappant, c’est que, malgré l’état de l’Église actuelle, des jeunes veulent toujours engager toute leur vie au nom de leur attachement au Christ. Certes, il y a moins de frères de Saint Jean de Dieu qu’il y a cinquante ans en France mais, comme dans beaucoup d’ordres religieux, en Afrique, à Madagascar et aux Philippines par exemple, il y a des vocations.

Fêter un jubilé, c’est rendre grâce pour le don de la fidélité. Quel regard portez-vous sur ces cinquante années passées… et sur les prochaines ?

J’ai beaucoup de mal à réaliser que cela fait cinquante ans ! Les jubilaires, pour moi, c’était des frères très âgés ! Ce qui m’émerveille, finalement, c’est d’avoir gardé la foi, au milieu des profondes turbulences que j’ai traversées, même si la foi n’est jamais évidente. C’est toujours une quête, une recherche. Mais surtout, je m’émerveille devant la fidélité de Dieu, et ce ne sont pas que des mots. À plusieurs occasions, j’aurais tellement pu remettre tout en cause. Je n’ai pas toujours eu une vie facile, y compris à travers toutes les épreuves que l’on peut connaître dans la foi. La vie chrétienne et la vie consacrée n’évitent pas les remises en cause. C’est pourquoi je m’émerveille de toujours croire et de toujours espérer. Je constate que la fidélité de Dieu, en particulier dans son expression sacramentelle, à travers l’Eucharistie et la Réconciliation, m’a tenu. Je suis toujours étonné, quand je prends le temps de lire la Parole de Dieu d’être toujours aussi émerveillé. Je crois que c’est une grande grâce.

J’ai enfin gardé la même certitude que l’Église est prophétique. C’est le Saint-Esprit qui mène l’Église à sa manière ; c’est déroutant, mais c’est plus sûr ! Le Christ parle du levain dans la pâte (cf. Mt 13, 33). Nous sommes, dans nos pays, devant des réalités troublantes et déstabilisantes, mais cela ne peut que nous faire grandir dans l’humilité et la sainteté. Même après cinquante ans, je me sens un peu comme saint François, qui, à la fin de sa vie, déclarait ne pas avoir commencé à se convertir ! En tous cas, je rends grâce pour une vie intéressante, en particulier grâce aux ministères très variés que j’ai pu avoir.

Finalement, « que demandez-vous ? »

Il s’agit de la phrase par laquelle s’ouvre le rite de la prise d’habit et de la profession dans l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu.
La miséricorde de Dieu, et la vôtre… Plus que jamais !

Des retrouvailles à Thiès…

Après quelques mois de tribulations entre la Gambie, le Cap Vert et la Guinée Bissau, nous retrouvons la baie de Hann au Sénégal, près de Dakar, où nous avions fait escale l’année passée. L’occasion pour Malo d’Eau de se refaire une beauté sous la coque. Nous retenons notre souffle pendant la sortie d’eau assurée par nos amis locaux à l’aide d’un simple chariot à roulette tiré par un câble depuis la plage. Mais c’est sans incident que Malo d’Eau laisse apparaître son gros flan qui nous sert de maison et le capitaine peut démarrer dès sa sortie quelques travaux de maintenance et barbouiller la coque d’antifouling pour les prochains mois.

Laissant place au chantier, nous grimpons avec Anna dans un bus qui nous conduit jusqu’à Thiès au centre de santé mentale Dalal Xel où nous étions en visite l’année dernière. Nous arrivons un peu comme à la maison, accueillies par Frère André qui a repris la direction du centre en début d’année. Nous partageons le quotidien des frères et passons avec Anna nos matinées en compagnie des patients hospitalisés, de l’animateur et des collaborateurs.

Et toujours ce sentiment déroutant à notre arrivée de ne pas savoir par où commencer… Sans compétence médicale, nous n’avons que nos mains pour saluer et nos cœurs pour parler, en silence parfois. « J’étais malade, et vous m’avez visité » (Mt 25,36) me rappelle mon ami Joachim Malik, l’animateur avec qui nous passons une première matinée de retrouvailles et de rencontre en musique avec les patients. La mission reprend tout son sens, et ce sont les patients eux-mêmes qui nous guident, spontanés et chaleureux, avec chacun une histoire à nous raconter, la leur.

L’après-midi nous partons avec Anna au marché central de Thiès acheter des perles, de la peinture et une paire de chaussures pour Anna qui grandit vite. Avec l’aide des stagiaires de la croix rouge et de Joseph, un futur postulant en expérience communautaire, les patients confectionnent des bracelets et portes clés à distribuer à la Famille hospitalière de Saint Jean de Dieu au cours de notre voyage, ainsi qu’une peinture des Messagers de l’Hospitalité où chacun laissera l’empreinte d’une main.

Vendredi matin, la salle d’ergothérapie où nous sommes installés avec quelques patients, résonne des acclamations enthousiastes des résidents du centre du Croisic avec qui nous sommes en visio. Un joyeux moment de partage et d’hospitalité au-delà des frontières, au cours duquel patients et résidents ont pu échanger sur leur quotidien et activités.

Samedi nous partons avec Suzanne, l’assistante sociale, Frère Dominique, infirmier spécialisé, le docteur et d’autres collaborateurs pour une matinée de consultations dans la cour de l’école du village de Bambay, situé à quelques heures de route. Chaque samedi, une équipe du centre assure un service de consultations ambulantes en santé mentale dans les villages reculés. Les patients sont nombreux au rendez-vous et après quelques minutes de sensibilisation, démarrent les consultations. Quelques mots partagés et sourires échangés ponctuent cette matinée d’attente avec les patients sous un soleil brûlant.

… A la conquête du Sine Saloum

Bien tassées à l’arrière d’une vieille Toyota 7 places qui semble tout droit sortie de la casse, nous reprenons la route avec Anna, en « blablacar » local, direction Foundiougne aux abords du fleuve Sine Saloum. Valentin nous y rejoint avec Malo d’Eau, tout beau. Nous sommes à quelques kilomètres du centre de santé mentale Dalal Xel de Fatick où nous accueillent Frère Léopold, directeur du centre, Frère Patrice, qui suit ses études là-bas et Frère Jean, au repos après une longue ‘carrière’ au sein de la famille hospitalière – un vrai grand-père pour Anna.

Nous nouons rapidement contact avec les collaborateurs qui œuvrent ici aussi avec beaucoup de charité et d’inventivité auprès des patients hospitalisés. Notre passage perturbe la routine du quotidien, et l’approche de la fête de saint Jean de Dieu est l’occasion de consacrer une matinée avec eux à une brève présentation de la vie du fondateur de l’Ordre hospitalier, suivie d’un échange en petits groupes sur le thème de l’hospitalité. Quelle joie de voir les visages s’illuminer à l’écoute de la vie de ce grand saint, auquel certains peuvent s’identifier !

La grande fête du 8 mars qui se prépare activement au sein du centre, est l’occasion pour nous de mieux connaître encore cet aventurier de l’hospitalité dont l’héritage nous unis chaque jour un peu plus à la grande famille hospitalière.  Mais il est (déjà !) temps de repartir en Gambie pour hiverner Malo d’Eau que nous laisserons à nouveau plusieurs mois pendant notre retour en France.

Dernière escale au Togo !

C’est à l’hôpital général d’Afagnan, au Togo, que nous faisons une dernière escale africaine (par les airs) après avoir laissé Malo d’Eau solidement amarré à sa bouée. Nous déambulons joyeusement dans les différents services, de la chirurgie à la médecine générale, en passant par la pharmacie, avec une Anna tout particulièrement présente à la maternité pour « voir les bébés » et à la petite école de la pédiatrie.

Nous voilà tantôt à l’œuvre en cuisine avec Sœur Judith pour faire découvrir à nos hôtes les huîtres rapportées de Gambie, éponge en main pour donner un petit coup de main (surtout Valentin !), ou tout simplement présents au milieu des patients et de leurs accompagnants. Les familles, nombreuses au chevet de leurs malades, assurent ici le rôle des aides-soignants. Quelle belle manière de découvrir un pays au travers de rencontres et de moments simples du quotidien partagés avec ses habitants !

Après un dernier repas partagé avec les frères, nous repartons le cœur gonflé, heureux de retrouver nos proches pour quelques mois, et désireux de partager ces beaux moments de vive voix.

Le 7 avril 2025, le président de la République italienne a décerné la médaille d’or du Mérite de la Santé Publique au Frère Florent Priuli, médecin et religieux de l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu bien connu de la province de France. Cette distinction honore une vie entièrement consacrée au service des plus vulnérables, notamment au sein de l’hôpital Saint Jean de Dieu de Tanguiéta, au Bénin.

Originaire de Cemmo, en Italie, Frère Florent a débuté sa mission en Afrique en 1969 comme infirmier au Togo. Après être devenu médecin en 1979, il s’est installé à Tanguiéta, où il a transformé un petit hôpital de 82 lits en un centre de référence de plus de 420 lits, desservant aujourd’hui environ 200 000 habitants. L’établissement est également un site de formation pour les étudiants en médecine de l’université de Parakou.

L’hôpital a été reconnu en 2024 comme la meilleure structure sanitaire de la région de l’Atacora par le Département de la Santé du Bénin. Ce succès est le fruit d’une collaboration étroite entre les Frères de Saint Jean de Dieu, des volontaires internationaux – notamment de France – et des partenaires locaux.

Frère Florent incarne l’esprit de compassion et de dévouement prôné par Saint Jean de Dieu. Son engagement témoigne de la force de la solidarité internationale et de la mission hospitalière de l’Ordre, vécue dans 54 pays avec humilité et amour. 

Pasteur infatigable et artisan de paix, le pape François, décédé le 21 avril dernier, laisse derrière lui un héritage spirituel marqué par des appels constants à l’hospitalité, comme visage concret de la fraternité.

Cette valeur, chère à l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu, trouve un écho particulier dans les paroles du pape François. À travers ses discours, ses gestes et ses rencontres, il a donné un visage concret à cette fraternité : celui de l’hospitalité, une attitude du cœur qui accueille l’autre sans condition, en particulier le plus fragile.

Une hospitalité enracinée dans la dignité de chacun

Le fondement de l’hospitalité, pour le pape François, n’est ni une stratégie humanitaire ni un simple réflexe de compassion : c’est la reconnaissance de la dignité inaliénable de chaque personne, quelle que soit son origine, sa condition ou son histoire.

Dans Fratelli tutti, il écrivait :

« Il faut affirmer avec force que l’égale dignité de tous les êtres humains, quelles que soient leur origine, leur couleur ou leur religion, est une vérité fondamentale. »
Fratelli tutti, § 39

C’est à partir de cette conviction que naît l’hospitalité véritable : celle qui fait place à l’autre, qui lui offre un nom, une voix, une histoire à entendre.

De la charité à la rencontre : une hospitalité qui transforme

Le pape François ne se contentait pas de dénoncer ou de proclamer. Il montrait, par l’exemple, ce que signifie rencontrer vraiment ceux qui sont aux marges.

« Il ne suffit pas de donner du pain si on ne partage pas aussi sa propre vie, si on ne prend pas le temps de regarder l’autre dans les yeux, de lui serrer la main, de l’écouter, de dire son nom. »
Discours lors de la Journée mondiale des pauvres, 17 novembre 2019

L’hospitalité devient alors une expérience mutuelle de transformation : celui qui accueille et celui qui est accueilli changent tous les deux. C’est là le cœur même de l’héritage spirituel laissé par le pape François : une fraternité incarnée, vécue dans le concret du soin, de l’écoute, du partage.

Pour aujourd’hui : faire de l’hospitalité une mission vivante

En ces jours où l’Église fait mémoire du pape François, il nous revient de faire fructifier son héritage.

Les Frères de Saint Jean de Dieu et les membres de la Famille hospitalière, à la suite de leur fondateur et à la lumière des enseignements du pape, sont appelés à réaffirmer l’hospitalité comme cœur de leur mission : accueillir sans condition, soigner avec tendresse, reconnaître en chaque frère un visage du Christ.

« C’est dans les périphéries qu’on entend le cri de Dieu le plus clairement. »
Pape François, homélie du 5 février 2017