« Compter sur Dieu, c’est suffisant »

À bientôt 90 ans, Frère Flavien n’est pas du genre à s’arroger du repos. Ce frère hospitalier, au caractère aussi trempé que son accent révélant ses origines alsaciennes, continue d’être bien actif. Passionné d’histoire, il se rend chaque jour au service des Archives de la province de France pour seconder Marie Rablat, l’archiviste provinciale, et dépouiller des pages d’histoires encore méconnues de l’Ordre hospitalier en France.

Retiré dans la communauté de Paris, Frère Flavien est par ailleurs une présence importante pour les jeunes frères malgaches en formation à la capitale. Le surnom qu’ils lui ont donné montre bien l’importance de cette présence intergénérationnelle : « Dadabé » (« Grand-père », en malgache). Il n’est d’ailleurs pas rare de le croiser le soir jouant au scrabble avec l’un d’entre eux.

En mai dernier, il a fêté ses 70 ans de profession religieuse au sein de l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu. Frère Flavien Ruthmann, bien connu notamment au Centre hospitalier Dinan/Saint-Brieuc où il a exercé l’une de ses dernières responsabilités en tant que directeur, président et prieur, a eu une vie bien remplie au service de Dieu, des malades, de ses frères et des établissements de l’Ordre.

« Vous avez la vie devant vous »

Frère Flavien se préoccupe souvent de la situation de ses jeunes frères. « Vous avez la vie devant vous, » a-t-il rappelé lors de son jubilé. « Vous êtes entrés pour vous consacrer à Dieu, aux pauvres et aux malades, un programme vaste et sans limites ! Continuez votre formation spirituelle et professionnelle pour que vous vous sentiez bien à votre place, dans votre vocation de service. »

Pour sa part, Flavien Ruthmann a rencontré les frères pour la première fois en mai 1947, alors qu’il cueillait du muguet dans la forêt de Guewenheim avec ses trois frères et ses parents, en même temps que Frère Aurélien et les juvénistes en sortie. Il entre au juvénat – une école pour les enfants se posant la question de la vocation – dans la foulée, à l’âge de 12 ans, et poursuit sa formation jusqu’au 30 mai 1954, date de ses premiers vœux, il y a tout juste 70 ans. « Cela ne fut pas toujours un long fleuve tranquille, » reconnaît aujourd’hui Frère Flavien. « Mais on s’est engagé pour Dieu et les nécessiteux. J’ai eu beau piquer des coups de gueule, j’ai toujours fini par obéir à ce que me demandaient mes supérieurs, même si je n’étais pas d’accord », avoue-t-il en repensant à ses différentes affectations, acceptées sans regret, sauf celui de n’en avoir pas fait assez.

« Sans vie de communauté, il est difficile de tenir »

Connu pour sa franchise, Frère Flavien n’a jamais hésité à exprimer ce qu’il pensait, parfois de manière abrupte, mais toujours avec sincérité. Prieur de nombreuses communautés, il a également assumé la charge de directeur puis de président d’associations qui géraient alors localement les établissements Saint Jean de Dieu. Il a particulièrement connu la délicate période du passage de témoin aux laïcs. « Durant ma vie, j’ai beaucoup collaboré avec les laïcs, aussi bien dans les soins que dans les responsabilités. J’ai beaucoup appris à leur côté et je les en remercie. J’espère ne pas les avoir fait trop souffrir ! »

Quant à la vie communautaire, Frère Flavien reconnaît qu’elle a été indispensable pour lui. « Sans vie de communauté, il est difficile de tenir. »

Frère Flavien est intarissable lorsqu’il s’agit de l’histoire de l’Ordre et particulièrement des frères de France. Il évoque facilement et avec passion saint Jean de Dieu : « La vie de notre fondateur, je la redécouvre tous les jours ! » dit-il, un large sourire illuminant son visage. Quant à l’histoire de la province, il la connaît d’autant mieux qu’il est passé dans la plupart des établissements et communautés, dont certaines ont aujourd’hui fermé.

Pour Frère Flavien, la foi a toujours été un pilier essentiel dans sa vie religieuse, surtout dans les moments plus difficiles. « On est comme tout le monde, il y a eu des moments où j’ai eu envie de partir. Mais on sait qu’on peut compter sur Dieu, et c’est suffisant. »

« Je crois en l’avenir de l’Ordre »

Son expérience avec les collaborateurs laïcs a été enrichissante. « Cette ouverture progressive aux laïcs, bien que compliquée au début, a été un apprentissage et une belle ouverture pour nous les Frères ! » Aujourd’hui, il regarde l’avenir de l’Ordre avec espérance, malgré la diminution des vocations en Europe.

« Je ne sais pas ce que le bon Dieu veut pour nous, mais je crois en l’avenir de l’Ordre, surtout en voyant ce qui se passe en Afrique où les besoins sont immenses, » confiait-il en 2014 à l’occasion de ses 50 ans de vie religieuse. « Nous devons enseigner aux jeunes l’amour de l’Ordre, des malades et de l’Église, en évitant de courir partout et, peut-être aussi, en nous recentrant sur l’essentiel de notre mission, pourquoi pas en réinventant de nouvelles manières de pratiquer l’Hospitalité. »

Bon anniversaire, Frère Flavien !