FORBIN, UNE GRANDE CRÈCHE AUX 300 HOMMES

Max, au centre, entouré de deux hébergés du Centre Forbin le soir de Noël

Depuis sa création un soir de Noël, l’accueil de nuit Forbin de la Fondation Saint Jean de Dieu à Marseille célèbre cette fête d’une façon particulière. Retour sur ce moment fort et émouvant par Max, novice jésuite qui vient de passer plusieurs mois en stage au milieu des 300 hommes en situation de précarité. 

La crèche est un symbole très significatif de Noël, elle l’est davantage en Provence avec des grandes crèches possédant des santons qui mettent en valeurs les différents métiers et personnalités de la région. Au cœur du quartier de la Joliette à Marseille, le Centre Forbin où je suis en expériment long depuis trois mois, fait figure de crèche vivante. Bien sûr, avec une particularité qui lui est propre : il n’y a pas qu’un fils premier-né qui y est couché, mais 300 hommes majeurs venant de plus de cinquante pays du monde qui n’ont pas trouvé de place dans « la salle commune » (Luc, 2,7).

C’est ici dans cette crèche vivante avec les hébergés (qui aurait pu être des bergers aussi) que je côtoie au quotidien autour d’une partie de belote-contrée ou au self à midi que j’ai passé la soirée de Noël. Il y a eu deux grands moments forts. Le premier a été un temps de partage de l’évangile où la lecture en arabe et en français du récit de la nativité a été écoutée avec attention par les hébergés comme au moment des enchères à la Contré. Ensuite, il y a eu un moment d’échange de paix où les participants souhaitaient mutuellement « Joyeux Noël ». C’était un moment fort émouvant, dans une communion de cœur à cœur.

Le deuxième moment fort de la soirée a été le repas de Noël suivi de la distribution de cadeaux. Aidés par quelques bénévoles et les Frères de Saint Jean de Dieu, le repas préparé avec beaucoup de soin par notre chef cuisinier et son équipe a été servi à table aux hébergés. Sans respecter la règle des couleurs comme à la belote, le repas a été arrosé avec un peu de vin pour ceux qui le souhaitaient. A la fin de la soirée, chacun est reparti avec un cadeau en remerciant les équipes pour cette belle soirée.

De mon côté, j’ai vécu cette soirée dans une profonde lumière. J’ai été profondément marqué par la joie qui rayonne sur le visage des uns et des autres. Au milieu de leur quotidien parfois ténébreux, cette soirée de Noël a été comme une enveloppe de lumière pour chacun comme c’était le cas pour les bergers. Cette douce nuit de Noël vient renforcer les liens forts qui se tissent entre ces hommes et moi au quotidien autour d’une partie de belote-contrée, d’un déchargement de camion de marchandise, d’une pièce de théâtre, d’un match au vélodrome ou dans les couloirs du centre pour évoquer des peines du quotidien. Oui, je me sens aimé, accueilli, accepté comme un frère parmi ces hommes qui ont su me faire un peu de place dans leurs crèches.

Je suis rentré à la communauté avec la ferme conviction que la prophétie d’Isaïe s’est accomplie cette nuit pour eux et pour le salut de tous les Hommes : « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants des pays de l’ombre, une lumière a resplendi » (Isaïe, 9, 1).